Bruxelles – T.-F. Suys, Eglise Saint-Joseph et Quartier Léopold

Le 19 octobre 2024, l’ICOMOS Wallonie-Bruxelles asbl s’est penché sur l’œuvre de Tilman-François Suys (1783-1861), au travers de la visite du chantier de restauration de la façade de l’église Saint-Joseph (Square Frère Orban à Bruxelles) et d’un parcours commenté du quartier Léopold jusqu’à la Place Royale.

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L’église Saint-Joseph au milieu des terrains vagues du quartier Léopold peinte par Jean-Baptiste Van Moer en 1847

© Musée de la Ville de Bruxelles – Maison du Roi

L’église Saint-Joseph est construite de 1842 à 1849. Sa construction est entreprise dans le cadre du développement du quartier Léopold initié à partir de 1837 par la Société civile pour l’agrandissement et l’embellissement de Bruxelles sur les terrains vierges au-delà des boulevards ayant remplacé à partir de 1819 les remparts abattus en 1810. Le plan de ce nouveau quartier est établi par Tilman-François Suys qui suggère la construction d’une église afin d’engager le développement et le peuplement du quartier. « Commencez par bâtir une église, les maisons viendront ». La première pierre de l’édifice est bénie le 6 avril 1842, l’église achevée est bénite le 24 juin 189 et consacrée le 24 juin 1874 et en même temps déclarée sanctuaire national dédié à saint Joseph, saint protecteur de la Belgique depuis 1679. Le quartier se développe effectivement à la suite de la construction de l’église et ses rues se bordent progressivement d’hôtels de maître construits par la noblesse et la haute bourgeoisie. L’église est alors desservie par les Pères rédemptoristes et ce pendant le restant du 19^ème siècle et une bonne part du 20^ème siècle.

Fête religieuse en 1856 – Victor Dedoncker (1827-1881) (dessin), M. Weber (gravure) dans L’Illustration nationale, 1880.

L’église présente un plan basilical avec un chœur à chevet plat. Si les nefs, le chœur et les locaux annexes sont édifiés en briques apparentes sous une couvertures de tuiles sombres, le massif avant donnant sur le square est recouvert de pierre bleue. La composition de la façade dominée par deux clochers jumeaux est inspirée de l’église de la Trinité-des-Monts à Rome (façade achevée en 1570) tout comme un autre projet de Tilman-François Suys, l’église Moïse-et-Aaron à Amsterdam, édifiée peu avant, de 1837 à 1841. Dans ces deux projets, Tilman-François Suys adopte un vocabulaire néo-renaissance de grande qualité. Dans le cas de l’église Saint-Joseph, le programme sculpté est particulièrement riche avec un ensemble de 17 statues figurant saint Joseph, des anges et les pères de l’église, dont plusieurs dues à Charles-Henri Geerts (1807-1855), sculpteur d’art religieux renommé à cette époque, dont l’atelier est établi à Louvain. Celui-ci est également l’auteur de des stalles de l’église Saint-Joseph.

La façade de l’édifice est classée depuis le 13 mai 1981.

Après le départ des Pères rédemptoristes en 1989, l’église est occupée par l’Eglise syriaque orthodoxe jusqu’au rachat du sanctuaire en 2001 par le prieuré du Christ-Roi de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Les offices y sont célébrés en latin, comme avant le concile de Vatican II.

Dépose des sculptures en 2021. © Atelier ARC | architecture et patrimoine sprl

L’étude approfondie de l’état sanitaire de la façade et des clochers a mis en évidence, outre une dégradation avancée de nombreux éléments, un risque avéré de chutes tout spécialement des statues plus grandes que nature. Celles-ci ainsi que la crois de 2,7 tonnnes ont été déposées en 2021 (https://www.youtube.com/watch?v=2GsF-Kll0GY) et leur restauration est réalisée en atelier par l’Atelier de Sculpture Alexandre Callet à Soignies (https://atelierdesculpture.com/). L’examen de celles-ci a confirmé leur état de dégradation parfois très avancé et le risque de chute précédemment identifié, certaines pièces se brisant peu après leur dépose. Pour une parte importante de celles-ci, leur restauration implique des interventions lourdes et une part de recréation des partie fortement altérées par le temps et les éléments naturels. Déjà testée dans des chantiers français, la recalcification biotechnologique (https://ecp-fr.com/biocalcis/) sera employée pour le renforcement de la sculpture de saint Joseph qui reprendra place dans la niche ponctuant l’axe de symétrie de la façade.

© Atelier ARC | architecture et patrimoine sprl

Quant aux pierres de la façade et des clochers, il a fallu trouver un compromis et définir un degré d’intervention assurant la pérennité de l’édifice et financièrement acceptable. Les interventions les plus importantes portent sur les deux clochers, les plus exposés aux vents et leurs poussées, dont les couvertures de pierre ont dû en l’occurrence être entièrement déposées.

https://urban.brussels/fr/articles/eglise-saint-joseph-un-edifice-exceptionnel-en-chantier

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Portrait de Tilman-François Suys par Alexandre Nestor Nicolas Robert (1860)

Photo : Hugo Maertens © Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen, inv.no. 1546, Collection de la communauté flamande (domaine public)

Le parcours commenté de la gare de Bruxelles-Luxembourg jusqu’à la Place Royale en passant par le Palais des Académies et la statue du général Augustin-Daniel Belliard, fut l’occasion de mettre en évidence :

• la contribution de Tilman-François Suys à la formation du paysage urbain de Bruxelles durant les premières décennies suivant l’indépendance belge et l’acquisition du statut de, à la restauration d’édifices emblématiques de Bruxelles et à la formation professionnelle d’architectes belges reconnus (Beyaert, Poelaert, Balat, …) ;
• la notion d’embellissement des espaces publics dominante au 19^ème siècle avec une attention poussée à la cohérence et l’esthétisme de leur aménagement (voiries, accotements, squares, plantations, perspectives, monuments, grilles, mobilier, …)
• l’importance de considérer la valeur patrimoniale de ces espaces publics alors qu’ils sont constamment adaptés et modifiés par notre société contemporaine et le risque de dénaturation voire de perte de ce patrimoine. Cfr. Lettre ouverte de la CRMS : https://crms.brussels/sites/default/files/avis/728/BXL60123_728_CORR_LETTRE_OUVERTE_paysages_urbains_historiques.pdf

Plan du quartier Léopold dressé par M. Suys (1838)

© Bibliothèque nationale de France https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530652497

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ICOMOS Wallonie-Bruxelles asbl remercie vivement :

• Romuald Casier, architecte et auteur de projet, de nous avoir présenter le projet de restauration des façades de l’église Saint-Joseph, ainsi que Manuela Core, architecte à Urban.Brussels ;
• Alexandre Callet, sculpteur, pour son exposé détaillant les interventions de restauration des sculptures de l’église ;
• Bertrand Bonmariage et l’entreprise Galère de nous avoir ouvert les grilles du chantier ;
• l’Abbé Pascal Hennequin de nous avoir ouvert les portes de l’église et présenté son histoire et son patrimoine ;
• et Christophe Loir, historien et professeur à l’ULB, pour la visite passionnante sur les traces de Tilman-François Suys.